Vision et Réflexions
« Elle se rend compte qu’elle n’en sait pas autant que Dieu, mais elle a l’impression d’en savoir autant que Dieu en savait quand il avait son âge .»
– DOROTHY PARKER
Lorsque vous rédigez des prévisions à une cadence trimestrielle, il est parfois difficile de penser à de nouvelles choses à dire. Les choses montent, les choses descendent, les choses vont de travers, ou une variante de cela. Au trimestre précédent, on parlait d’une économie plus forte pendant plus longtemps, ce qui impliquait des taux d’intérêt plus élevés que prévu, une inflation persistante et de solides bénéfices des entreprises. Trois mois plus tard, aux États-Unis, les données montrent quelques signes de faiblesse, notamment en ce qui concerne les dépenses de consommation. En Europe, le cycle des taux d’intérêt semble avoir atteint son pic, avec le début des baisses de taux. Cela témoigne bien sûr de la force relative des États-Unis, une caractéristique à laquelle nous nous sommes tous habitués ces dernières années.
Il s’agissait de développements prévisibles. La politique monétaire agit sur le temps long tandis que les acteurs du marché sont accros à la gratification instantanée. Vous pensez que quelque chose pourrait arriver et si cela n’arrive pas immédiatement, vous supposez alors que cela n’arrivera jamais.
Cela signifie que les États-Unis devraient ralentir quelque peu sur le reste de l’année. Les taux d’intérêt pourraient commencer à baisser et les attentes en matière de bénéfices des entreprises pourraient être revues à la baisse. Ces derniers temps, les entreprises ont compté sur des augmentations de prix pour maintenir des marges élevées, et il est de plus en plus évident que ce n’est plus une stratégie que les consommateurs tolèrent. La politique entrera également en jeu, mais si elle est difficilement prévisible. En Europe, les choses devraient s’embrouiller.
Ce qui est beaucoup plus difficile à déterminer, c’est la manière dont les marchés réagiront à tout cela.
Jusqu’à présent, les acteurs du marché ont cru à une théorie dystopique, ou pour lui donner son nom vernaculaire, la pensée magique. Cette thèse suggère que les investisseurs peuvent assez facilement avoir en tête deux concepts contradictoires. La première est que les taux d’intérêt baisseront parce que l’inflation diminuera, mais que les bénéfices et les valorisations augmenteront. En effet, il n’y aura pas d’atterrissage sur un matelas de plumes. En pratique, si l’inflation baisse, il est presque inévitable que les bénéfices nominaux diminuent également, surtout dans un environnement où les volumes unitaires n’augmentent pas rapidement. Le fait est que ces résultats forment d’étranges compagnons. L’un ou l’autre de ces deux concepts (et probablement les deux) est susceptible de se révéler faux.
Ceci n’avait que peu d’importance avant le dernier rebond des marchés. Les niveaux de cours formaient alors un filet de sécurité. Les investisseurs n’étaient pas trop optimistes, les valorisations étaient élevées mais pas stratosphériques, les spreads obligataires étaient élevés et le marché était largement diversifié, c’est-à-dire que de nombreuses actions contribuaient à la performance du marché (plutôt que quelques (très grandes) actions alimentant la majorité de la performance). Le contraire est désormais vrai. Nous avons déjà indiqué que les valorisations ne constituent pas en elles-mêmes une raison pour être négatif ou positif. Il y a trop de variables dans le calcul. Cependant, aujourd’hui, les valorisations sont élevées, non seulement par rapport à l’histoire, mais aussi par rapport aux obligations.