Vision et Réflexions
Cela fait un an que les taux d’intérêt ont commencé à augmenter considérablement dans le monde développé. Il est difficile d’exagérer la quantité d’encre coulée depuis que l’on s’essaie à déterminer si et quand ces hausses devraient s’arrêter ainsi que leur effet sur l’économie mondiale, avec une baisse attendue de l’activité et de l’inflation. La quasi-totalité de cette encre a été gaspillée.
Les cycles d’intérêt fonctionnent avec des décalages longs et imprévisibles, car l’adaptation aux nouvelles conditions prend du temps, pour les individus comme pour les entreprises. Pour l’instant, la plupart des économies développées, mais surtout les États-Unis, se portent toujours bien.
Outre la baisse générale de valeur provoquée par la hausse des taux, les premiers éléments fortement touchés par le cycle ont été les actifs qui ont ce que l’on appelle dans le jargon une « duration longue ». Ces actifs génèrent des rendements attendus dans un lointain avenir. Les candidats évidents étaient les crypto-actifs ainsi que les sociétés non rentables avec un scenario « blue sky » avéré uniquement dans leurs prospectus.
Au cours deuxième trimestre, une deuxième série de victimes est apparue. Les banques, encore une fois. Même si l’on s’est empressé d’établir des comparaisons avec la Grande Crise financière, le krach de la Silicon Valley Bank (SVB) et consorts s’apparente davantage à une panique bancaire à l’ancienne. SVB n’était pas insolvable mais a connu des problèmes de liquidités à court terme lorsque ses clients ont commencé à perdre confiance en elle. Son bilan était investi dans des instruments à plus long terme, dont la valeur a diminué de manière disproportionnée lorsque les taux d’intérêt ont augmenté. Lorsque les déposants ont voulu récupérer leur argent, la banque a été contrainte de liquider ces actifs et de réaliser des pertes, exacerbant ainsi la perte de confiance. Il a été dit qu’il était irrationnel de déclencher une panique bancaire, mais rationnel d’y participer une fois qu’elle a commencé. C’est effectivement ce qui s’est passé.
La crise du Credit Suisse était d’une toute autre ampleur et son rachat forcé par l’UBS est l’aboutissement de nombreuses années d’erreurs et d’échecs stratégiques. Mais là encore, c’est le changement du climat monétaire qui a déclenché la crise.
Dans les deux cas, les déposants ont été protégés et des mesures ont été prises pour stabiliser la situation rapidement et efficacement. Il y aura sans aucun doute de nombreuses poursuites judiciaires pour savoir qui doit supporter les pertes – dans le cas du Crédit Suisse, l’issue a été assez controversée – mais le fait est qu’il n’a pas été permis à un problème de liquidité de se transformer en quelque chose de plus grave. Et de nombreux puritains économiques déplorent le sauvetage des déposants au motif que l’aléa moral a été suspendu, ce qui est mauvais pour le processus de destruction créatrice qui sous-tend le capitalisme. Pour eux, ne pas punir les déposants signifie qu’ils n’auront aucune pénalité pour avoir pris des risques. Quelle que soit votre position, une répétition de 2008 semble extrêmement improbable. Néanmoins, tout cela a pour effet de resserrer les conditions de crédit et d’augmenter la probabilité d’un ralentissement vers la fin de cette année. Cela pourrait influencer l’évolution des taux d’intérêt en réduisant la nécessité de fortes hausses pour ralentir l’activité.