Vision et Réflexions
En fin de compte… nous attendons. L’économie des pays développés ne réagit pas encore à sa médecine monétaire, dont la première dose a été administrée il y a plus d’un an. Les marchés sont nerveux, oscillant entre l’optimisme selon lequel tout va s’arranger et le pessimisme selon lequel une récession est dans les cartes. Cette incertitude a tendance à se traduire par des rendements attendus incertains. Il y a des raisons d’être joyeux, contrebalancées par tout autant de raisons de se sentir misérable.
Il est parfois difficile de comprendre pourquoi le mécanisme de transmission de la hausse des taux d’intérêt met si longtemps à fonctionner. Prenons un consommateur type : à la fin de la pandémie, l’épargne était très élevée en raison des mesures de relance appliquées pour éviter l’effondrement de l’économie ; l’exposition aux taux d’intérêt était limitée en raison de prêts immobiliers essentiellement à taux fixe ; et au travail, les salaires augmentaient, même si à un rythme inférieur à l’inflation. La situation n’était en rien dramatique. Cependant, l’épargne accumulée a été largement consommée, la révision des taux hypothécaires est en cours (ou aura lieu bientôt) et au travail, les premières rumeurs inquiétantes de licenciements commencent à apparaître. C’est là que le consommateur décide de réagir, se comportant moins comme une cigale et plus comme une fourmi, réduisant ses dépenses.
Dans le monde des entreprises, des facteurs similaires sont à l’œuvre. Les marges sont restées élevées parce que les prix ont augmenté. Les entreprises ont pu augmenter leurs prix parce que le consommateur était prêt à payer (pour les raisons que nous avons déjà évoquées). Les gouvernements offrent également des subventions pour encourager la « transition verte » ou pour faciliter des relocalisations. La confiance a résisté, si bien que les entreprises ont accordé des augmentations de salaire même si la productivité n’augmente pas. Mais aujourd’hui, le consommateur est moins disposé à payer, les coûts unitaires de main-d’œuvre ont augmenté et les marges sont sous pression. Tout cela avant même que les prix n’aient encore baissé, ce qui est très probable dans certaines régions où les stocks se sont reconstitués. En termes réels, les revenus n’ont pas augmenté. Cette augmentation est une illusion inflationniste. Les dirigeants d’entreprises réfléchissent désormais à ce qu’ils doivent faire, et la réponse classique est de supprimer des emplois. Cela renforce les problèmes auxquels le consommateur est désormais confronté. Il s’agit d’une histoire simple, même si infiniment plus complexe dans le monde réel, mais elle montre pourquoi les causes et les effets en matière économique sont si imprévisibles. L’idée de modéliser le comportement humain n’est jamais qu’une approximation.